Le codéveloppement professionnel : juste une méthode ou UNE METHODE JUSTE ?

Le codéveloppement professionnel, puissant outil d’intelligence collective développé par Adrien Payette et Claude Champagne au Canada et adopté depuis plusieurs années par de nombreuses grandes entreprises en France, semble connaître un succès croissant et à en lire les nombreuses offres récemment communiquées, il serait LA réponse à proposer pour permettre aux managers et entrepreneurs de trouver leurs solutions pour traverser la crise. Si l’on peut se réjouir de la diffusion de la pratique du codéveloppement, il convient de rester vigilant face au contenu des propositions qui parfois proposent des variantes et une déformation du processus, ce qui peut être dommageable au groupe qui l’expérimente. Le codéveloppement n’est pas « un petit jeu de société » anodin, il n’est pas non plus une simple résolution de problème en groupe, ni « un simple échange entre pairs automatiquement protégés par la règle de bienveillance ». Il est une pratique exigeante qui requière le professionnalisme.

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Le non-spécialiste peu hélas s’y perdre. Initiée à cette méthode lors de ma formation en coaching, j’ai souhaité la découvrir et la maîtriser en me certifiant à cette pratique. Ma constatation a été la suivante : le codéveloppement est bien plus qu’une méthode ; il est aussi et surtout une posture, celle du facilitateur, qui demande de réelles compétences et un vrai professionnalisme. J’ai exploré la richesse du codéveloppement et après mes cycles 1&2 auprès du Cecodev, j’ai bien perçu que la pratique était moins simple qu’il n’y paraissait et je salue le sérieux et la rigueur du Cecodev, qui ne prétend pas former les facilitateurs en 2 jours mais propose un parcours exigeant, sur 4 cycles pour former et accompagner une pratique compétente de la méthode directement apprise avec son concepteur, Adrien Payette.

Sans prétendre à expliquer la méthode (que vous trouverez en nombre sur les réseaux), cet article a l’intention de poser aussi justement que possible ce qu’est le codéveloppement en le confrontant à des pratiques inspirées du codéveloppement mais qui parfois font du tort tant elles déforment la méthode.

Une définition simple du codéveloppement

Selon les concepteurs, « c’est une approche de formation qui mise sur le groupe et sur les interactions entre les participants pour favoriser l’atteinte de l’objectif fondamental : améliorer sa pratique professionnelle ». Elle permet de se former différemment, en apprenant, notamment des uns des autres, dans un cadre sécurisant et confortable où les problématiques réelles et actuelles de chacun sont traitées.

Quelles finalités ?

La finalité première est l’apprentissage de tous : il s’agit d’« aider le client à mieux comprendre et à mieux agir » pour lui permettre d’apprendre à partir de ce qu’il expose . Si cette réflexion sur la pratique d’un acteur peut contribuer à résoudre le problème du client, elle n’en est pas la priorité. Il est donc regrettable de voir des offres de codéveloppement professionnel promettre de la résolution de problèmes.

Quel processus ?

Les séances de codéveloppement se déroulent en 7 étapes, la dernière étape étant l’étape qui « signe » le codéveloppement, celle des apprentissages, avec un débriefing ouvert où chacun partage et recherche activement des leçons à tirer de la séance. Pour traverser chaque étape sans courir à la résolution du problème et sans faire l’impasse sur l’étape d’apprentissages, 2h30 à 3h sont nécessaires. De nombreuses propositions, plus courtes (1h30), ne font donc pas bénéficier de « l’effet codéveloppement » : elles font d’ailleurs souvent l’impasse sur la dernière étape et n’offrent pas la prise de recul nécessaire à l’apprentissage. Elles ne sont pas inutiles en soi puisqu’elles permettent d’échanger et de trouver des avis/conseils. Mais pour ne pas « tromper » les participants sur leur apport, elles mériteraient d’adopter des noms différents (groupe d’échange, d’entraide, de partages, …).

Quelle durée ?

Pour permettre le développement de la confiance et l’apprentissage, un groupe doit « durer ». Il est donc conseillé de répartir les séances sur 6 à 12 mois à raison d’une séance par mois. Avec comme prérequis la présence et l’engagement des participants. 

On comprendra donc que les séances de codéveloppement « one shot », ponctuelles, avec un groupe à dimension variable, ne permettront pas « l’effet codéveloppement ».

La « magie de l’intelligence collective »

De nombreuses propositions commerciales vantent « la magie de l’intelligence collective » et la formidable puissance du groupe. S’il est vrai que c’est du groupe que va naître l’effet codéveloppement, en aucun cas il n’est une vertu automatique des groupes. Et je citerai ici la position du Cecodev pour qui « s’il doit y avoir « intelligence collective » elle ne peut être que le résultat d’un travail patient, progressif et rigoureux de tous. Rien de magique. Les groupes, sinon, comme les personnes, commettent beaucoup d’erreurs avec les meilleures intentions. Et il ne suffit certainement pas d’être en groupe et bienveillant pour que les erreurs disparaissent. En codéveloppement, la première intelligence, selon nous, est d’identifier et de bien comprendre la problématique posée par le client. »

Et la bienveillance ?

Si la bienveillance est un des principes du contrat de groupe de codéveloppement (avec le parler-vrai, la confidentialité), elle n’est pas automatique. La notion de bienveillance est un autre des « sujets à la mode » en entreprise mais il faut comprendre qu’il ne suffit pas de la convoquer pour qu’elle existe naturellement dans un groupe. En codéveloppement, la vigilance et la position haute du facilitateur sur le cadre et notamment sur la bienveillance est donc de mise. On veillera donc à choisir un facilitateur intransigeant sur cette règle.

Ok mais alors, comment on choisit un facilitateur ?

Comme on choisit un formateur ou un organisme de formation : en vérifiant la formation, les certifications, les recommandations et en questionnant celui-ci sur le processus et les objectifs de la formation. Allez au-delà des accroches commerciales qui promettent de la résolution de problèmes et privilégiez des objectifs qui s’articulent autour du « apprendre ensemble ».

En résumé, vous l’aurez compris : le codéveloppement c’est bien une méthode JUSTE (en laquelle je crois fortement) mais ce n’est PAS juste une méthode !

Sources : Le groupe de Codéveloppement Professionnel (Adrien Payette & Claude Champagne).
Dossiers du Cecodev, panorama des pratiques.

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